01.09.2023
DARK MODE

9. Communication et prosocialité dans la foule

Lorsque des individus dans une foule se retrouvent face à un danger commun, ou qu’ils sont témoins d’une situation dangereuse, ils ont la possibilité d’être plus que de simples observateurs. Ils ont la possibilité d’agir avant l’arrivée des premiers secours. Leur rôle principal est la communication.

L’importance du partage d’information

La communication permet aux individus dans une foule de réagir collectivement de manière optimale (et coopérative) par le partage d’informations, une bonne organisation et l’émergence de communautés d’entraide. En effet, dans les situations d’urgence, les individus ont besoin d’informations pratiques sur ce qu’il faut faire, et pour savoir dans quelle mesure le danger les menace (Tanner et al., 2009). Si ce genre de communication en situation de crise est exécutée au bon moment, elle peut permettre de désamorcer les effets négatifs potentiels (Tanner et al., 2009). Cependant, l’information est le plus souvent communiquée sous la forme de conseils sur l’état émotionnel qu’il faut avoir ou ne pas avoir (« ne paniquez pas », « restez calmes », etc.), et il n’existe pas de preuve que ce type de communication est réellement utile (Drury et al., 2019).

L’importance de communiquer avant l’arrivée des premiers secours 

Par ailleurs, ces informations sur les bonnes actions à entreprendre dans des situations de danger collectif ne doivent pas nécessairement provenir d’une source experte ou d’une personne externe à la situation : elles peuvent émerger dans des discussions entre les membres de la foule (Mercier & Claidière, 2021). A travers ces discussions, qui permettent aux individus de produire des réponses plus correctes que celles que chaque individu aurait produit en raisonnant seul, le phénomène de « sagesse des foules » va émerger (Mercier & Claidière, 2021). Il est donc important pour les membres d’une foule de communiquer pour s’entraider en se donnant les informations nécessaires sur les décisions à prendre (notamment pour agir de façon coopérative). Mais comment faciliter cette communication dans des situations de danger collectif, et plus généralement comment permettre l’« empowerment » des citoyens ? Comment les rendre activement engagés dans la réaction au danger collectif ?

La mobilisation des gens « ordinaires » avant l’arrivée des premiers secours – Le cas des attaques terroristes à Stockholm en 2017

Plusieurs formes de médias numériques permettent aux gens « ordinaires » (c’est-à-dire non-experts de la sécurité collective) de se mobiliser activement dans des situations de danger collectif sans la coordination par des organisations, et d’avoir un impact sur la gestion du danger (Tikka, 2019). A travers la connectivité digitale, les gens « ordinaires » peuvent plus facilement s’auto-organiser, proposer de l’aide, demander ce qu’il faut faire, discuter pour trouver les solutions optimales, etc. (Tikka, 2019). De cette manière, les plateformes digitales transforment les citoyens de spectateurs passifs à agents actifs, en les rendant capables de gérer des situations d’urgence avant l’arrivée des premiers secours.

Par exemple, durant les attaques terroristes à Stockholm en Suède en 2017, des images et informations ont immédiatement circulé sur les réseaux sociaux, faisant ainsi des citoyens ordinaires des agents actifs (Tikka, 2019). Une action « connective » rendue possible par la foule à travers la communication sur les réseaux sociaux a également été observée après les attentats terroristes de novembre 2015 à Paris, de mars 2016 à Bruxelles et de juillet 2016 à Munich.  La disponibilité et le partage d’informations pratiques (sur l’état de la situation, les actions à entreprendre, et les ressources disponibles et accessibles) est donc un autre élément qui détermine les réactions des individus en situation de danger collectif.

L’émergence de communautés de soutien

D’autre part, Twitter a aussi servi de plateforme de communication pour les habitant.e.s de Stockholm, par exemple pour proposer leurs logements comme lieux de refuge et d’hébergement auprès de ceux qui en avaient besoin (Tikka, 2019) avec le hashtag #openstockholm. Plus généralement, cette communication avait pour objectifs la transmission d’informations sur les actions à mener, le partage de ressources nécessaires, mais aussi le soutien entre individus, la consolation et la mobilisation de sentiments collectifs. Elle a ainsi permis l’émergence d’une communauté (Tikka 2019). L’existence d’un sentiment d’unité et de communauté au sein du groupe subissant une situation de danger collectif est important, car il enrichit le capital social du groupe, ce qui favorise les comportements d’entraide entre individus (Drury, 2018). Les liens sociaux préexistants entre les membres de la foule s’activent dans des situations de danger et mobilisent le soutien et l’entraide (Ntontis et al., 2018).

L’importance du lien social

Cependant, ces liens préexistants ne sont pas toujours nécessaires : les liens sociaux qui émergent dans une situation de danger sont aussi forts et efficaces (Ntontis et al., 2018). La présence d’un danger peut en effet provoquer une impression de destin commun. L’expérience d’un destin commun mène alors à la construction d’une identité sociale partagée (dont nous avons déjà parlé dans les articles précédents), ce qui provoque chez les individus des attentes vis-à-vis de l’entraide au sein du groupe, et des comportements effectifs de foule efficients et coordonnés (Drury, 2018).

Conclusion

Ainsi, le public lui-même est un élément crucial en situation de danger collectif. Il y a des choses que chacun.e peut faire en attendant l’arrivée des premiers secours, telles que partager des informations avec les autres ou les aider – ce qui peut créer et renforcer des liens au sein de la foule. De cette manière, une situation de danger collectif fera émerger une communauté d’entre-aide et de soutien. La question est alors de savoir : que deviennent ces communautés après l’événement ? Sont-elles entretenues et ont-elles encore une raison d’exister ?

 

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